Le groupe Il était une fois, a dominé la pop française durant l'époque 1972-1978. Quatre albums seront commercialisés, remplis de tubes immortels, aux harmonies vocales parfaites et aux mélodies pop acidulées : Rien qu'un ciel (1972), Les filles du mercredi (1972), Que fais-tu ce soir après dîner ?(1973), C'était l'année dernière (1973), Viens faire un tour sous la pluie (1975), et surtout le mythique titre, J'ai encore rêvé d'elle, en 1975.
C'est l'histoire de ce groupe, pas comme les autres, que je vous propose de découvrir.

Joëlle Mogensen est née à New-York en 1953. Elle a vécu au Danemark, puis a suivi ses parents en France, où elle s'inscrit au Beaux-arts à Marseille. Elle débute dans la chanson, dès l'adolescence en interprétant des airs de Folk song dans les clubs.

Durant l'été 1969, alors qu'elle se trouve attablée à la terrasse du café "Le Gorille" à St-Tropez,en compagnie de sa sœur, elle voit surgir une Mustang rouge. Au volant se trouve Serge Koolenn, un petit brun qui porte bouc et moustache et qui est accompagné d'un autre garçon Riquet. Né en 1947, Serge Koolenn est alors guitariste et accompagne Michel Polnareff dans ses tournées.

"Polnareff nous avait prêté sa voiture, se souvient Serge. Avec mon ami bassiste, on roulait les mécaniques. On est passé à l'attaque ! La première phrase que j'ai dite à Joëlle, c'est : "Je veux vous épouser". Là-dessus, elle répond : "Ça vous ennuierait si je disais oui ? Eh bien c'est oui !"

Le soir ils se retrouvent pour passer la soirée ensemble. Joëlle déclara :"J'ai trouvé sa formidable, mais le lendemain, j'ai déchanté. Mes parents m'ont punie. Ils m'ont interdit de sortir. Cela ne m'a pas empêchée de faire le mur pour le retrouver, j'en étais folle !"

Joëlle a alors 16 ans, et se prépare à vivre neuf ans d'amour avec Serge. Sa sœur Domino 15 ans, en pincera pour Riquet et aura trois enfants avec lui.

Joëlle et Serge vivent un amour de vacances et se séparent. Elle, retourne aux Beaux-arts à Marseille, et lui, rentre à Colombes, chez sa mère. 6 mois plus tard, elle retrouve celui qu'elle décrit dans une interview de 1976, comme "cabochard, entêté, généreux et franc", pour ne plus le quitter. Elle fait également la connaissance de Richard Dewitte ( né en 1946 ), que Serge a rencontré à l'âge de douze ans en colonie de vacances, et qui tourne avec lui dans son groupe "Jerry Rolls", dans les spectacles de Polnareff.

En novembre 1970, Michel Polnareff se trouve en pleine dépression et les deux comparses se retrouvent au chômage. Serge, Richard et Joëlle réussissent à rebondir grâce à des copains et se font embaucher pour des petit boulots dans des bars. Richard se retrouve aux platines et Serge et Joëlle au bar.

Le 14 avril 1971, Serge et Joëlle sortent 45-tours en duo. Ils en vendent 800 exemplaires, et deux mois plus tard, ils retrouvent un autre copain d'enfance de Serge, Lionel Gaillardin. "Il nous emmenait en boite et payait tout. Il travaillait dans l'usine de son père et ne rêvait que de musique" se souvient Serge. Lionel est alors guitariste dans l'orchestre de Nino Ferrer.

Un soir de novembre 1971, dans un café, sur un délire autour d'une table, née l'idée du groupe. Joëlle au chant, Richard au chant et à la batterie, Serge et Lionel, chant et accompagnement, Bruno Walker, basse, et Christian Burguière, piano, très rapidement et respectivement remplacés par Jean-Louis Dronne, dit "Loulou" et Daniel Schnitzer, rencontré au Golf Drouot.

Serge Koolen souhaite appeler le groupe "Marabounta", du nom de ces hordes de fourmis qui ravagent tout sur leur passage. "Trop exotique" estiment les autres. Finalement, ils se mettent d'accord sur "Il était une fois".

"On analysait tous les groupes qui marchaient et on prenait des notes. Une véritable étude de marché." Lionel Gaillardin vend sa Morgan pour acheter du matériel, répète la nuit et travaille le jour.

Le groupe choisi alors d'être à contre courant d'une mode consistant à chanter en anglais, même si on est français. Serge Koolenn devient l'auteur des chansons et Richard Dewitte compose les musiques.

Après avoir répété pendant plusieurs semaines à la MJC de Colombes, ils se produisent pour la première fois à Dieppe, le soir de Noël 1971. Six jours plus tard, ils passent au Golf Drouot. Ils remportent ensuite quelques concours régionaux et finissent ensuite par signer avec une maison de disque.

En 1972, Joëlle remporte, devant 3000 concurrents, le concours "Futurs vedettes", organisé par le magazine "Salut les copains" et Pathé-Marconi. On lui fait enregistrer un 45-tours, mais celui-ci est un bide. Afin de boucler les fins de mois avec Serge, elle continue les galères, comme chaque week-end, "Chez Dan", une discothèque de Normandie, où quelques uns des meilleurs groupes français viennent se produire.

Ensuite tout s'enchaîne. Aldo Martinez devient leur manager; Pierre Bourgoin leur met gratuitement à disposition un studio d'enregistrement et des techniciens, pour enregistrer leur premier album. "Richard avait inventé un air, la version rock d'une chanson de Marcel Amont. Il nous l'a fait écouté un après-midi. A minuit, "Rien qu'un ciel était chanté, mixé. Sans ce titre, il n'y aurait pas eu de phénomène, juste un bon album."

Leur premier 45 tours "Rien qu'un ciel" devient le succès de l'été 1972, et passe en boucle sur toutes les radios. Grâce à ce succès, ils apparaissent pour la première fois à la télévision dans un show de Sacha Distel, qui avait accepté de les parrainer.

"Il était une fois" en duo avec Sacha Distel, lors de leur première apparition à la télévision,en 1972, dans le "Sacha Show".

Après une tournée d'été en Corse, le groupe revient à Paris en septembre et chez Pathé-Marconi, on leur déroule le tapis rouge. Les journaux et la télévision de l'époque se les arrachent.

A la rentrée 1972, Il était une fois, est déjà à l'affiche de l'Olympia, en première partie de Salvatore Adamo. Ils deviennent les symboles de la pop française, et les critiques saluent leur humour et leur rythme. "Ils ont mis le Rock à la portée du grand public" soulignent les critiques.

La force et la singularité du groupe, est d'être une bande de copains affichant la même forme d'humour. Ils se placent très vite à la première place de référendums organisés auprès de lecteurs de magazines de jeunes. Ils deviennent les symboles d'une génération joyeuse et sans soucis, portant des pantalons à pattes d'éléphants.

Richard DEWITTE
Serge KOOLENN

Il était une fois, multiplie les tournées en France et enchaînent les succès "Que fais-tu ce soir après dîner", "Téléphone", Viens faire un tour sous la pluie". Les déplacement du groupe nécessitent quatre tonnes de matériel, deux camions et deux voitures. Ils se produisent d'abord avec Julien Clerc, puis avec Joe Dassin, et enfin avec Johnny Hallyday, à l'occasion de son "Johnny circus". Ils se produisent ensuite avec Daniel Guichard, alors au sommet de sa gloire.

Il est alors impossible d'ouvrir un magazine destiné aux jeunes, sans voir Il était une fois, présenter la mode ou des cadeaux à offrir à Noël. L'image du groupe, c'est Joëlle. Elle est la plus demandée par les photographes et les journalistes. "Elle plaît aux hommes et nous aux filles, cela compense" déclarent les musiciens.

Souriante, toujours ponctuelle à ses rendez-vous, Joëlle pose dans des tenues dont elle dessine les modèles ou en confie la réalisation, à un styliste encore inconnu alors, François Girbaud. Dans les sondages leur côte atteint les 92%. En 1973 et 1974, ils se retrouvent en tête du référendum de "Salut les copains" devant Demis Roussos, les Martin Circus et même les rolling Stones et Pink Floyd. C'est dire la popularité du groupe à ce moment-là !

Joëlle donne aussi aux jeunes lectrices des conseils de beauté ou de cuisine, domaine ou elle excelle également.

Extrêmement sportive, Joëlle fait sensation à Courchevel, en sautant en parachute à 2700m d'altitude, sous les yeux des garçons restés dans l'avion. Elle remporte aussi 6 médailles d'athlétisme et de tir à l'arc, aux Olympiades organisées par Europe 1, à Marrakech, et suit les musiciens au Castellet à un cours de pilotage.

En 1975, leur tube "J'ai encore rêvé d'elle", qui se vend à 1 million d'exemplaires en trois mois, leur apporte la gloire et la consécration.

De temps en temps, le groupe fait une infidélité à son répertoire habituel. Le groupe enregistre ainsi la musique et les chansons de "La rage au poing", un film évoquant l'existence des jeunes des grands ensembles ayant choisi d'échapper au monde des adultes. Le groupe devient également un habitué des duos avec d'autres chanteurs, à la télévision, comme Joe Dassin.

Les journées de repos sont rares, et dès qu'elle le peut, Joëlle part se reposer à Chalopin, la maison de l'Yonne qu'elle a achetée avec Serge, qui y vit encore aujourd'hui. Elle qui adore cuisiner prépare des repas pour les copains qui passent, comme Carlos, C.Jérôme, Hugues Aufray, Dick Rivers ou Christophe.

En 1977, le groupe retrouve Joe Dassin, dont il assure à nouveau la première partie à l'Olympia. "Nous ne sommes pas pressé d'être en haut de l'affiche" disent-ils alors. Leur popularité commence alors à dépasser l'hexagone. Leurs disques sortent au Canada, en Allemagne, en Angleterre, en Espagne, en Turquie, et au Japon, où le groupe est rebaptisé "Joëlle et son orchestre".

Joëlle est l'icône du groupe et tous les regards se portent sur elles, parfois même aux dépend des autres membres du groupe. Johnny en est dingue et Mick Jagger lui envoie de Londres, par courrier un foulard.

Photogénique et télégénique, elle parvient à devenir la lumière de Il était une fois. Prise dans l'engrenage médiatique, elle se coupe petit à petit des autres membres du groupe sans pour autant supporter les répétitions, les décisions prises en son absence. Ses colères sont terribles, et à partir de 1976, le couple qu'elle forme avec Serge koolen se lézarde.

En 1978, Ils se rendent aussi aux États-Unis pour enregistrer un disque en français. Ce sera le dernier album de "Il était une fois". De cette album, sera notamment extrait le tube "Pomme", sorti en avril 1978. La version allemande, interprétée par le groupe " Mann, schau mich mal an ", est sortie en 45 Tours, mais uniquement pour le marché d'outre Rhin.

C'est cette année-là, que Serge et Joëlle se sépare. Le groupe ne survivra pas longtemps à cette séparation sentimentale,
et six mois après la séparation de Serge et Joëlle, le groupe se séparera.

Ainsi, après une tournée d'été sur le podium d'Europe 1, Il était une fois, se sépare en 1979, après un dernier 45 tours "La clé des cœurs", enregistré en fait un an auparavant en studio. Pour Joëlle, la route sera terriblement courte.

Trois des cinq membres du groupe ont alors enregistré en solo. Joëlle, tout d'abord, a signé, fin 1979, chez Barclay. Sont sortis sur le marché un 33 Tours " Joëlle tout court " en 1980, ( d' où a été extrait le titre " Tu sonnes " avec une promo télé importante ) produit par Pierre Billon ( Sardou, Hallyday ), un 45 T " Homme impossible " en 1981, produit par Bernard Saint Paul ( Véronique Sanson ) et un 45 Tours " Aime moi " sorti trois jours après son décès (mais dont elle a fait la promo dans deux émissions radio : l'une trois jours avant sa disparition sur Europe 1, l'autre, quelques heures avant le drame sur France Inter.

A l'aube d'une nouvelle carrière prometteuse, Joëlle meurt prématurément le 15 mai 1982, à l'âge de 29 ans des suites d'un oedème pulmonaire, dont on ne connaît pas les causes.

Aujourd'hui, que reste-t-il du groupe ?

Richard Dewitte a enregistré chez Emi, onze 45 Tours entre 1980 et 1994.
En 1980, il a également tenu le rôle de Marius, dans la comédie musicale de Robert Hossein :"Les misérables".

En 1981, il sort un 45 tours, intitulé :"Elle aimait le sud". Aujourd'hui, il chante seul, dans des petits galas.

Serge Koolenn, a pour sa part, enregistré deux albums et un simple chez Carrère entre 1980 et 1982.

Après avoir été un temps le collaborateur de Jean Roucas sur Europe 1, Serge Koolenn, anime aujourd'hui des spectacles pédagogiques en milieu scolaire, et écrit toujours des chansons.

Lionel Gaillardin tient un studio d'enregistrement à Colombes, celui de Daniel Shnitzer se trouve à Courbevoie. Jean-louis Dronne, quant à lui, passionné de voitures et de motos, a travaillé sur le Paris-Dakar, avant d'organiser des compétitions de 4X4.

Depuis, les chansons de Il était une fois, demeurent présentent sur toutes les lèvres. La plus célèbre d'entre elles "J'ai encore rêvé d'elle", Serge Koolenn, l'a écrite en trois jours dans une chambre d'hôtel dans laquelle il s'était enfermé. Ces couplets font aujourd'hui partie des classiques de la chanson française.

En 1992, "J'ai encore rêvé d'elle" ressort en 45 tours, avec en face B, "Rien qu'un ciel", et connaît à nouveau le succès 17 ans après sa première sortie, démontrant par la même que cette chanson est devenu un classique de la chanson française.

En fait, cette ressortie, s'accompagne de la sortie de la compilation des tubes du groupe "Il était une fois", qui sort en CD, intitulée "Les plus belles fois", qui contient un inédit du groupe, une reprise d'un titre des Beatles "The fool on the hill."

Devant le succès de la compilation "Les plus belles fois", on a demandé à Serge de reformer le groupe pour tourner dans les bals, et en a parlé aux autres membres du groupe. Mais tous hésitent. "Si on le fait, on mettra Joëlle sur un écran géant, pour qu'elle puisse chanter avec nous", déclare Serge.

En 1996, sort une autre compilation, intitulée "Le meilleur de Il était une fois". Le principal intérêt de cette compilation est qu'elle sort en édition 1 CD et en édition 2 CD. L'édition double CD, ayant l'avantage de comporter un CD complet de titres inédits, ainsi que des duos, enregistrés par le groupe.

Une nouvelle fois, le succès était là, pour rappeler et témoigner de la place, qu'à le groupe dans l'histoire de la variété française.

Le 11 mai 2002, dans l'émission "La chanson N°1" sur France 2, dédiée aux chansons cultes des années 70, on a eu le privilège de voir Richard Dewitte interpréter la chanson qui a fait la gloire de Il était une fois, "J'ai encore rêvé d'elle". Richard Dewitte au piano, a interprété cette chanson d'anthologie en direct, alors que sur une écran géant derrière lui, défilait des photos de Joelle. Ce fut un grand moment d'émotion que le public a salué à sa manière en élisant "J'ai encore rêvé d'elle" plus belle chanson des années 70 de la soirée, devançant des tubes tels que "Alexandrie, Alexandra" ou "Born to be alive". Autant dire un véritable exploit !

 

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