Il était une fois

Le 15 août dernier, ils étaient 13ème du Top 50, avec le simple "J'ai encore rêvé d'elle". Leur compil "Les plus belles fois" a dépassé les 200 000 exemplaires. Incroyable. Cet automne,"Les plus belles fois" (vol.2), ainsi qu'une video viennent renforcer la légende. Par téléphone, nous avons appelé Serge Koolenn, l'un des principaux protagonistes du groupe. Il nous a ouvert son album souvenir...

"Au début des années 70, on n'avait pas encore fait de disque, la presse rock, nous avait classés dans les groupes d'avant garde. Quelques années après, on sortait notre premier album, avec la même musique, et là, on nous traitait de récupérés, de groupe de variétés. C'était l'époque, où, il y avait vraiment deux camps. Nous on était peut-être en avance, on n'avait pas envie de choisir. Le problème c'est qu'on était un groupe rock clean, le seul qui se lavait les pieds... Pourtant, "Que fais-tu ce soir après diner", c'était du country. On était un peu les Carpenters français. Soft rock. Ce qui nous condamnait aussi par rapport à la presse rock, c'est qu'on nous voyait dans la presse pour adolescents. Celle-ci était cependant superbe. Du papier glacé, de belles photos couleurs, des textes de qualité. Rien à voir avec celle d'aujourd'hui. On y a tout fait. Du karaté, de la plongée, même du saut en parachute. Tout au moins, on a fait comme Joëlle, qui était ma petite amie, et la seule qui a vraiment sauté. Nous les garçons, on étaient mort de trouille dans la carlingue.

Côté "collectors", on a sorti des titres dans le monde entier et fait quelques concerts à l'étranger, notamment en Afraique. Comme notre nom était compliqué à prononcer, il était traduit dans chaque langue, ce qui donnait, "Once upon a time", "Es war einmal", "C'era una volta", "Mokashi, Mokashi". Les chansons restaient en français, sauf dans deux cas "épiques" :"Pomme" en allemand. Lors de l'enregistrement, personne ne comprenait rien, sauf Joëlle. De plus, le texte n'avait rien à voir. On était mort de rire à s'écouter chanter en phonétique. On a du en vendre deux. La deuxième fois, c'était en italien car on participait au festival de San Remo, je ne sais plus avec quel titre, mais ce fut aussi un grand moment...

Pour la télé, on nous a fait aussi faire un peu de tout. En 1973, pour un Guy Lux, on devait chanter "Compte sur tes doigts". Johnny, avec qui on allait faire une tournée était en direct, et on nous avait demandé aussi du direct. On était pas très chaud, mais comme Johnny, et notre éminence grise, Laurent Thierry Mieg, insistaient aussi... On s'est dit, gonflés à bloc, on y va. Le seul problème, c'est que la console de mixage, qui venait d'être livrée, avait été montée à l'envers.
Il ne se passait pas un mois, sans qu'on aille dire bonjour à Danielle Gilbert sur son plateau. On y a rencontré des gens très sympas, ils ne faisaient pas du rock, ils faisaient de la variété. Et alors ? Pendant des années, j'ai appris une chose. Ce n'est pas facile de vendre des disques. Ceux qui en ont vendu, quel que soit leur style, ont touché un public. Ils méritent le respect. De plus, Daniel Guichard, C.Jérôme, Carlos, étaient des êtres humains adorables et avec qui on faisait les 400 coups en coulissses. On étaient certainement plus proches des gens de la variété que des branchés. Pourtant chez Pathé, notre maison de disques à côté de Betty Mars, on était des voyous. Je me souviens ausi que pour Noël 1971, Jean-Pierre Spiero, un fou furieux qu'on adorait, nous a mis à dos de chameaux au zoo d'Ermenonville, dans la neige, par moins 5, et on a chanté "Les Rois Mages" de Sheila, un grand moment.

Au début de cette année(1992), quand on, a enregistré "Sébastien c'est fou", on a retrouvé le parfum de cette époque, sur le plateau, mais aussi en coulisses. C'est là que tout a recommencé. On voulait sortir une compil CD chez Pathé depuis des années, mieux que le double CD "bleu" qui datait de 1989, et où, les enregistrements n'ont pas de relief. L'émission de Patrick a eu un énorme succès, y compris auprès des jeunes pour qui la musique des années 70 est une bouffée d'air au milieu de la techno. Un tel succès qu'EMI a décidé de miser à nouveau sur nous.

Pourtant depuis dix ans, on était tous partis vers des horizons différents. Richard fait la carrière solo qu'il avait souhaitée, le bassiste et le guitarist on tous les deux des studios d'enregistrements. Loulou, converti par notre ex-attaché de presse, Thierry Sabine, s'occupe d'une organisation de courses autos et de motos.
Pour ma part, j'ai travaillé au début des années 80 avec Dick Rivers et on a même eu 3 disques d'or. Ensuite, j'ai collaboré avec Jean Roucas, sur Europe 1 de 1988 à 1990, avant de lancer un produit original : des spectacles pour enfants dans les écoles grâce auxquels j'ai participé aux Francopholies 92.

Aujourd'hui, si c'était à refaire, je referais tout au millimètre, sauf peut-être la fin, en 1979, quand on a décidé de se séparer. On aurait du continuer à chanter ensemble, tout en faisant des carrières solos. C'était possible, moi, j'avais déjà fait "Meks" de mon côté en 1975 (un disque avec une pochette de Mondino, qui a été pressé à quelques centaines d'exemplaires). Ou alors, on aurait du décider une séparation provisoire, et puis en reparler. 3Il était une fois" semble rentrer dans la légende. Je trouve ça fou. Mais je crois qu'on le doit aussi un peu, à la disparition de Joëlle, qui nous a quittés en 1982. Elle avait 29 ans. C'est bizarre, mais les célébrités deviennent plus souvent des mythes quand elles disparaissent jeunes. Joëlle, c'est un peu la même histoire que Marylin Monroe ou James Dean...".

Interview de Serge Koolenn du 25 août 1992, paru dans Platine d'automne 1992.

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