Interview de la maman de JOELLE
par Jean-Jacques Francès (Septembre 2002)
Le 15 mai 1982, la jolie Joëlle du groupe Il était une fois, s'éteignait pendant son sommeil, dans des conditions mystérieuses. Vingt ans après, pour sa maman, Claudia Mogensen, la douleur de l'absence est toujours aussi vive.
En exclusivité, à Copenhague, elle a reçu Jean-Jacques Francès, pour le magazine "Nous Deux".
Vingt ans après la disparition de votre fille Joelle, que ressentez-vous ?
Ma fille me manque toujours autant. Il ne s'écoule pas un jour sans que je ne pense à elle. Et si j'en veux à beaucoup de gens du métier, les témoignages de sympathie que je reçois de la part de milliers d'anonymes me touchent au-delà de tout.
Est-il important que le public écoute toujours Joëlle ?
Bien entendu. J'ai été ravie lorsque la maison de disque EMI a sorti une nouvelle compilation d'Il était une fois. Faire découvrir Joëlle à de nouvelles générations est une bonne chose. J'aimerais aussi que ses disques solo, enregistrés entre 1980 et 1982, soient enfin réédités, afin que le public ait un aperçu complet de son talent.
Est-il vrai que Joëlle était américaine ?
Absolument. Mon mari est d'origine danoise, mais à l'époque de ma grossesse, il travaillait aux Nations Unies à New-York. Joëlle y est née, le 3 février 1953. Nous y avons vécu jusqu'en 1962, année ou nous avons rejoins Copenhague, avant de nous fixer à Port-Grimaud en 1969. Joëlle était donc de nationalité américaine et parfaitement bilingue. D'ailleurs, entre nous, nous ne nous exprimions qu'en anglais.
Comment s'est déroulée son enfance ?
Sans le moindre problème. C'était une enfant facile. A l'école, une religieuse avait remarqué ses dons pour la musique. A 6 ans, sur le transatlantique qui nous ramenait en Europe, elle a chanté pour la première fois sur une scène, devant les passagers amusés. Mais Joëlle était aussi une sportive accomplie, une très bonne nageuse notamment. Au Danemark, on m'avait proposé de l'inscrire à une école de formation de champions olympiques. J'avais refusé à cause de l'emploi du temps infernal infligé à des gamines de cet âge : J'estimais que cela lui aurait volé son enfance.
Où a-t-elle rencontré son grand amour Serge Koolenn, le guitariste d'Il était une fois ?
A Saint-Tropez. Joëlle avait 16 ans. Elle était attablée à la terrasse d'un café avec sa soeur Dominique, qui était sa cadette d'une année. Des musiciens de Michel Polnareff les ont accostées. Joëlle a jeté son dévolu sur Serge, et Dominique a rencontré son mari, mon gendre Riquet.
Cela a été le coup de foudre ?
Oui, je crois. Joëlle étudiait aux Beaux-Arts de Marseille, et Serge était guitariste. Lorsqu'il est remonté sur Paris en septembre, elle venait le voir dès qu'elle pouvait, économisant sur tout pour payer son voyage. Au mois de février suivant, il luia demandé de le rejoindre. Elle a alors décider d'arrêter ses études pour vivre avec lui. Son père et moi n'étions pas d'accord, mais nous l'avons toujours laissée libre de ses choix... Ensemble, ils ont eu des débuts difficiles. Je me souviens leur avoir rendu visite dans le deux pièces sordide, sans toilettes, qu'il occupait à Colombes. En sortant, j'avais les larmes aux yeux ! Pourtant, Joëlle ne s'est jamais plainte : ce n'était pas dans sa nature...
Comment expliquez-vous leur rupture en 1978, prélude à la fin du groupe en 1979 ?
Il y a des choses que je préfère passer sous silence... Surtout lorsque j'entends les motifs invoqués aujourd'hui par Serge. Je dirais simplement, que pour Joëlle et son équilibre, la vie avec lui n'était vraiment plus possible !
Est-il vrai qu'au moment de sa disparition, Joëlle était sur le point de se marier ?
C'est exact. Avec un garçon prénommé Michel, qu'elle avait rencontré aux Caves du Roy, à Saint-Tropez !
Pourquoi la carrière solo de Joëlle n'a-t-elle pas explosé ?
Celle-ci n'aura en fait duré que deux ans, de 1980 à 1982. Malheureusement, les personnes dont elle s'était entourée à l'époque étaient plus intéréssées par son physique que par sa carrière. Pierre Billon a produit son album intitulé Joëlle tout court ! qui a connu un succès honorable avec la chanson Tu sonnes. L'année suivante, elle a travaillé avec un autre producteur ; cet individu l'a détruite. Je n'ai que pour lui que haine et mépris.
Que s'est-il passé cette dernière nuit chez ses amis Pedro et Evelyne ?
Joëlle s'est éteinte dans la nuit du 14 au 15 mai
1982. Mais je n'emploierai pas le terme d'amis pour qualifier les gens que
vous évoquez. En juin 1981, alors que je repartais pour New-York, Joëlle
m'a accompagnée à l'aéroport avec le dénommé
Pedro. J'ai cru voir le diable en personne. Quelque chose de louche et de
malsain se dégageait de ce personnage. Je ne sais pas et ne saurai
probablement jamais ce qui s'est passé cett nuit-là, mais je
ne crois pas du tout à leur version des faits, selon laquelle Joëlle
aurait passé la soirée en leur compagnie, avant de s'absenter
quarante-cinq minutes sans fournir d'explications, pour revenir ensuite dormir
chez eux ! C'est absurde !
J'ai l'intime conviction que ma fille a été dupée, manipulée
par ce couple...
Avez-vous revu Pedro et Evelyne ?
Un an après. C'était en 1983. Comme les conditions de la mort de Joëlle n'étaient toujours pas éclaircies et que l'autopsie n'a pu déceler l'origine de sa mort, la police a organisé une confrontation entre nous. La jeune femme, Evelyne, n'a rien trouvé de mieux à me dire que : "Vous avez perdu votre enfant, mais ce n'est rien à côté de moi qui ait perdu ma meilleure amie !" Lui, est resté silencieux, il semblait inquiet. Au fur et à mesure de l'interrogatoire, j'ai senti instinctivement une complicité entre la police et ces deux personnes. Je suis sortie de là, ne sachant quoi dire ni quoi faire tant j'était anéantie...
Comment était la vraie Joëlle, dans la vie ?
C'était une fille pleinde vie et d'humour. Quelqu'un d'entier qui était doté d'une grande délicatesse. Joëlle était toujours pleine d'attention pour les gens qu'elle aimait. Mais elle pouvait aussi se montrait très redoutable envers ceux qui cherchaient à lui nuire. Elle était une artiste dans l'âme vraiment très douée de ses mains : aux Beaux-Arts, elle avait même obtenu un premier prix grâce à l'une de ses statuettes qu'elle avait sculptées. Enfin, c'était une excellente cuisinière !
De quoi êtes-vous la plus fière la concernant ?
D'un tas de choses. Lorsqu'elle n'était encore qu'une adolescente à Saint-Tropez, elle a été invité à La Madrague par Brigitte Bardot, pour chanter et jouer de la guitare avec les Gipsy Kings. Plus tard, en juin 1980, Johnny Halliday avait invité le Tout-Paris pour fêter ses 37 ans, dans un club parisien. Ma fille est montée sur scène et a improvisé un mini-concert de rock avec Johnny et Gérard Depardieu. Elle a chanté aussi avec les plus grandes vedettes : Jean Sablon, Gilbert Montagné, Joe Dassin, Claude François et tant d'autres ! J'aimerais tellement que la télévision exhume ces images et lui rende enfin l'hommage qu'elle mérite...
Avec l'aimable autorisation de Jean-Jacques Francès